Ce qu'il se passe.
Les mineurs délinquants vont être jugés différemment.
Rembobine Claudine, comment ça ?
Jeudi dernier, un nouveau code pour juger les crimes et les délits des jeunes de moins de 18 ans est entré en vigueur. Il vient remplacer l’ordonnance de 1945, le texte phare en la matière, devenu difficile à lire à force d’avoir été réécrit. Objectif : rendre la justice des enfants plus efficace face à des délais de jugements de plus en plus longs et des tribunaux de plus en plus débordés. Pour te donner une idée : en 2018, env 233 000 mineurs ont été jugés pour des crimes ou des délits et 43 000 ont été condamnés, un chiffre en légère baisse depuis 10 ans.
C'est quoi le problème de cette justice ?
En France, quand un mineur commet une infraction, il est reçu par un juge des enfants qui, pendant la phase d’instruction, va mener une enquête sur les faits, et parfois sur la personnalité et l’environnement social et familial du mineur, avant de prononcer la peine. Sauf qu’en pratique, les tribunaux sont surchargés, les juges manquent de temps et peuvent parfois commettre des erreurs. En plus, les délais sont très longs et dans 45% des affaires, le jugement intervient après que le mineur soit devenu majeur. Résultat, il peut être condamné à des peines lourdes, comme un adulte.
Je vois, et donc cette réforme résout ça ?
Selon le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, c’est une réforme "historique" et "révolutionnaire" car elle instaure plusieurs grands changements : 1/ la mise en place d’un procès en deux temps, 2/ la réduction de la détention provisoire et 3/ la présomption d’irresponsabilité pénale avant 13 ans.
Dis-m'en plus.
Pour la (toute) première fois, les tribunaux devront désormais juger en 2 temps et en un an max. Concrètement, un mineur mis en cause sera convoqué à une 1re audience dans un délai de 3 mois vs 18 actuellement. Puis, 6 à 9 mois après, il recevra sa sanction - une peine ou une mesure éducative comme l’interdiction de se rendre dans certains lieux par ex - lors d’une 2e audience. Entre temps, il sera soumis à une période d’observation pendant laquelle il devra potentiellement respecter des mesures éducatives ou de sûreté - une assignation à résidence par ex - et dont le juge tiendra compte pour déterminer la condamnation.
Et pendant cette période, il est libre ?
Justement, un des objectifs de la réforme est de réduire le nombre de mineurs en détention provisoire, cad incarcérés en attendant leur jugement. Aujourd’hui, ils représentent 82% des mineurs en prison en France. Cette détention sera limitée à 3 cas de figure : 1/ dans le cas de crimes graves avec une enquête du juge, 2/ de délits graves commis par un mineur récidiviste, 3/ après l’annulation d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec surveillance électronique.
Autre chose ?
Yep. Désormais, un enfant de moins de 13 ans est présumé irresponsable pénalement, ce qui signifie qu’il ne peut pas être poursuivi. Cela concerne chaque année environ 2 000 mineurs. En revanche, cette présomption pourra être contestée si le juge estime que l’enfant est capable de discernement, cad qu’il a compris et voulu son acte et qu’il est capable de comprendre le sens de la procédure pénale.
Et qui en pense quoi ?
Certains magistrats sont inquiets : ils trouvent les délais de jugements trop courts et dénoncent "un projet dangereux" qui rapproche la justice des enfants de celle des adultes, en cherchant à juger toujours "plus vite" au détriment du travail éducatif essentiel pour les mineurs en difficulté avec la loi. Ils critiquent aussi les moyens "insuffisants pour répondre à la misère actuelle des tribunaux pour enfants", et beaucoup craignent de ne pas pouvoir juger correctement dans les temps impartis.